John Herdman : Nos enfants ont besoin des Anges du Jeu (Play Angels)

John Herdman : Nos enfants ont besoin des Anges du Jeu (Play Angels)

En tant qu’ancien entraîneur de l’équipe nationale canadienne féminine de soccer et maintenant à la barre de l’équipe masculine, John Herdman est constamment à la recherche de la prochaine génération de joueurs talentueux. L’équipe féminine a remporté le bronze aux J.O de Londres en 2012 et de Rio en 2016, mais il lui faut renforcer et rénover la brigade afin de continuer à exceller en compétition internationale. Cela signifie que lui et ses scouts doivent garder les yeux ouverts pour repérer des jeunes compétents.

Et Herdman est inquiet. Il ne parvient juste pas à trouver les perles rares. Il adhère à une théorie grandissante qui prétend qu’il y a un bassin clairsemé de jeunes joueurs  « talentueux ».

Voici l’essence même de la théorie : étant donné que le jeu libre non structuré est en perdition dans des pays prospères tels que le Canada, nos enfants ne développent pas les habiletés motrices et les aptitudes pour prendre des décisions de base que les experts présument développées pendant le jeu non structuré.

« L’entrainement » incontournable prodigué par les adultes qui fait partie des paramètres du jeu structuré contribue en fait au problème.

Herdman a-t-il des suggestions pour y remédier? Absolument. Je lui ai parlé au printemps 2013 de son rêve de voir naître un nouveau mouvement communautaire de bénévoles « les Anges du Jeu »  pour promouvoir du jeu libre pour les enfants.

Q. Pourquoi êtes-vous si enthousiaste à l’idée de promouvoir le « jeu libre » pour les enfants?

Durant ces 20 dernières années, le sport est devenu trop structuré et trop organisé. Cela vient du fait que l’accès aux installations est devenu plus difficile et qu’il n’y a plus autant d’espaces verts.

Il y a aussi cette paranoïa protectrice de la part des parents. Il n’y a qu’à écouter les nouvelles pour savoir exactement de quelle manière cette société peut faire du tort aux enfants. Tout est présentement structuré à cause de la paranoïa protectrice et les enfants n’ont plus le loisir de découvrir le jeu créatif.

Je pense que si nous voulons commencer à développer de super athlètes canadiens, il va nous falloir instaurer une culture avec des occasions de jeux qui appuient de vraies prises de décisions créatives et bâties sans les conseils de l’entraineur ou du parent, lors desquelles les enfants pourront apprendre naturellement à travers le jeu.

Q. Ce sont des points de vue intéressants, si l’on tient compte du fait que vous êtes un entraineur de haut niveau ayant comme mandat de remporter des médailles olympiques et des trophées. De quelle manière le jeu libre des enfants vous aide-t-il?

De grands joueurs naissent du jeu informel et non organisé. L’accumulation d’heures informelles de jeu est plus importante sinon tout aussi importante entre 6 et 12 ans parce que c’est à ce moment-là que vous développez votre réel amour pour le sport. Je ne pense pas qu’il en soit ainsi dans le milieu des clubs.

Lorsque vous considérez rétrospectivement ce qui a été écrit sur des joueurs qui sont devenus de grands athlètes, beaucoup d’entre eux n’ont pas été entrainés avant leur adolescence ou leur adolescence avancée. Je pense donc que nous avons la possibilité d’amener plus d’enfants à être plus actifs plus fréquemment en promouvant le jeu libre non structuré et que c’est aussi l’occasion de développer des joueurs compétents qui sont aussi de super preneurs de décisions.

Au soccer notamment, le jeu libre aide à développer les joueurs qui ont naturellement plus de connaissances. Ce ne sont pas des connaissances qui leur ont été insufflées par un entraineur. C’est leur propre savoir qu’ils ont développé à travers l’expérience, les épreuves et les erreurs.

Cela implique de jouer contre des plus grands parce qu’ils sont venus : je dois donc jouer contre des enfants plus âgés ce soir. Ou encore, ce soir je joue sur une surface plus petite, à un jeu auquel je n’ai jamais joué auparavant.

Je dois comprendre cela et il se peut même que je transfère ce que j’apprends à un autre de mes sports préférés.

Q. Quel est votre concept des «Anges du Jeu » et en quoi aiderait-il?

Les Anges du Jeu serait des adultes offrant de leur temps pour superviser des enfants de leur quartier dans du jeu non structuré. Nous avons besoin de ces papas et mamans, des oncles et des tantes qui sont prêts à aider ces enfants à leur assurer des solutions de rechange.

Je vous parle de revenir au temps où nous nous sentions en sécurité dehors à jouer dans la rue avec nos amis. Nous n’avions pas peur d’être kidnappés ou d’être achalés par des toxicomanes. Je fais référence aux parents qui laissent leurs enfants jouer, qui ne crient pas qui n’applaudissent pas. C’est juste un endroit où les enfants peuvent se sentir en sécurité et qu’ils peuvent explorer.

Les Anges du Jeu permettrait aux enfants de laisser courir leur l’imagination, d’exprimer une joie débordante et de tirer des leçons des victoires et des défaites sans qu’aucun parent ne s’en soucie.

J’ai déjà commencé en consacrant 30 ou 40 minutes chaque semaine à aller jouer avec mon fils et ses amis dans notre parc local. J’ai peut-être d’autres choses en cours, mais je m’assure de me rendre au parc une fois par semaine à cette heure-ci, et les enfants peuvent venir jouer au soccer. Je garde un œil sur eux et les parents peuvent revenir les chercher 45 minutes après.

Q. Comment faites-vous passer le mot et quel genre de réponse obtenez-vous?

J’envoie un courriel disant aux enfants que nous allons nous rencontrer à telle place, à telle heure et j’organise une rencontre de soccer. Tous les enfants qui veulent se joindre sont les bienvenus. Il ne s’agit pas de quelque chose de structuré.

Je ne fais que consacrer quelques heures par semaine à des enfants. J’installe ce petit groupe sur l’herbe lorsque je suis de retour à la maison. En hiver, je les emmène dans le gymnase d’une petite école. C’est si facile à faire.

Pensez à tous les obstacles que les gens créent lorsqu’il s’agit du sport des enfants. « Nous n’avons pas assez d’installations » ou de temps sur le gazon, alors les enfants ne pratiquent qu’une fois par semaine.

Je ne suis pas d’accord avec ça. Je rencontrerai quiconque veut venir au parc à 10 h et ils viennent tous. Il suffit d’une parcelle d’herbe dans un parc local. Et vous dites, « et c’est parti les enfants! »

Q. Comment faites-vous pour l’équipement?

De quoi avons-nous besoin? De deux vestes à chaque extrémité, et vous avez vos buts. Et les enfants vous disent : « Mais ou est le terrain? Où délimitons-nous les cônes? » Ben on n’a pas de cônes. Le terrain est le terrain — laissez-vous aller! [Rires] et les enfants jouent.

Q. Que dire des préoccupations des parents à propos de la sécurité des enfants qui vont jouer sous la supervision d’un Ange du Jeu qu’ils ne connaissent pas personnellement?

Aux parents qui envoient leurs enfants, assurez-vous que c’est un espace ouvert, qu’il y a des toilettes proches, et de rester dans le coin pour assister à l’expérience des Anges du Jeu. Apportez un panier de pique-nique, asseyez-vous et observez.

Profitez de l’expérience. Vous n’avez pas besoin de crier et d’applaudir lorsqu’un but est compté.

Contentez-vous de laisser jouer vos enfants et de les observer de loin. Votre seul devoir en tant que parent est de vous assurer que vos enfants sont en sécurité, rien d’autre.

Q. Qu’advient-il lorsqu’il fait mauvais temps? Et comment maintenez-vous la cadence au fil des saisons?

En hiver, vous vous rendez à votre école locale et vous apprenez que personne n’utilise le gymnase en soirée. Alors il vous suffit de demander si vous pouvez en disposer. Ils vous répondront que vous devrez rester au  minimum 45 minutes et que vous devrez payer une location. Vous répondez, OK , combien?.

Onze dollars. Et vous dites : OK les enfants; chacun apporte 1 dollar, tout le monde contribue à raison d’un dollar et nous pouvons payer la location du gymnase.   Et j’imagine que dans certaines régions il y a des Anges du jeu qui pourraient aisément se permettre d’assumer cette dépense. Ils peuvent investir 11 dollars pour aider les enfants à jouer.

Q. Comment promouvoir un mouvement comme les Anges du Jeu (Play Angels)?Comment parvenir à faire en sorte que les gens en parlent et adhèrent au mouvement?

D’après moi, Facebook et Twitter sont les meilleurs vecteurs. On fonde un mouvement au moyen d’une méthode non traditionnelle et on crée quasiment un « culte » des Anges du Jeu [rires.]  Je crois que ces types de mouvements communautaires deviennent plus forts parce qu’ils ne dépendent pas des médias. Ils dépendent des gens. Et le mouvement s’installe dans le pays.

Il se pourrait aussi qu’il y ait une possibilité de partenariat avec des entreprises pour faire avancer ce mouvement, mais dès que des partenariats sont impliqués, vous perdez un élément. Vous risquez de perdre l’essence de ce que vous tentez de créer, celle de faire en sorte que maman ou papa se lève du canapé pour aider les enfants à expérimenter un jeu libre non structuré, mais sécuritaire.

Q. Quels mots d’encouragement pouvez-vous offrir à ce que serait les Anges du Jeu?

C’est ce que nous pouvons faire de plus marquant. En tant qu’Anges du Jeu, vous faites la différence à long terme. Je réagis comme un parent ou quiconque décide de sortir aider les enfants; ces 45 minutes par semaine représentent le meilleur investissement possible.

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