Nous ne devons pas gaspiller un cerveau… ou un corps
Mon mari recrute des employés pour un fabricant de logiciels, concepteur d’un programme en ligne très populaire chez les enfants. En fait, il est tellement populaire, qu’il reçoit souvent des courriels de la part de jeunes de 12 ans (surtout des filles) sollicitant un travail de programmation. Récemment, il a reçu une lettre d’une jeune fille — appelons là Jenny — qui disait à peu près cela :
Bonjour,
J’aimerais travailler dans votre entreprise. Je pense que j’aimerais beaucoup la programmation. J’ai de bonnes notes en mathématiques, mais je ne suis pas très bonne en course à pied.
Cordialement,
Jenny
Cette lettre me trottait dans la tête alors que je lisais une entrevue de Krista Kiuru, la ministre finlandaise de l’Éducation et de la Science. Depuis 40 ans, la Finlande a créé avec succès un système d’éducation gratuite égalitaire. Et le mantra de ce système est : « Nous ne devons pas gaspiller un cerveau ».
Que signifie promouvoir l’égalité dans l’éducation?
L’égalité est un mot assez fort. Pour la ministre Kiuru, il signifie « que nous encourageons tout le monde et que nous ne gâchons pas les habiletés de qui que ce soit. Indépendamment de son sexe, de son milieu ou de son statut social, chacun devrait avoir les mêmes chances de tirer le meilleur parti de ses habiletés. »
Les classes sont petites et les étudiants qui éprouvent des difficultés reçoivent plus de soutien que les autres parce qu’ils ont besoin de plus d’aide. Cela nous permet de nous assurer que nous sommes en mesure d’utiliser les habiletés et le potentiel de tous les enfants.
Peut-on aussi promouvoir l’égalité en éducation physique?
Cela me ramène à Jenny et à son besoin d’avouer qu’elle n’est pas bonne en course à pied. Ce qu’elle laisse sous-entendre, c’est qu’elle ferait tout aussi bien de se destiner à la programmation puisqu’elle n’est pas bonne en sport. Ce qui me fait dire que rien n’a changé depuis que je suis moi-même allée à l’école primaire et au secondaire du premier cycle : lorsqu’on était bon en maths et nul en sport, on était pratiquement voué à devenir un as en informatique.
Mais il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. De la même façon que les écoles finlandaises mettent l’accent sur l’égalité de l’apprentissage, on peut faire de même pour l’éducation physique. Les enfants développent la littératie physique lorsqu’on leur donne de multiples occasions d’apprendre et de pratiquer diverses habiletés motrices. Et en bénéficiant des mêmes possibilités, tous les enfants indépendamment de leur sexe, de leur milieu ou de leur statut social — peuvent se doter de la littératie physique.
Dans le cas de Jenny, elle a peut-être juste besoin de quelques conseils et d’entrainement supplémentaire pour littéralement devenir opérationnelle. Ou peut-être a-t-elle d’autres habiletés physiques qui n’ont pas encore été mises en évidence parce qu’elle est persuadée qu’elle ne peut pas être bonne en sport.
Il ne faut surtout pas gaspiller un jeune athlète
Alors, lorsque Jenny déclare « je ne suis pas bonne en course à pied », ce qui arrive c’est que plutôt que de gaspiller un cerveau, nous gaspillons probablement un athlète. Et je ne crois pas que ce soit correct. Si j’avais pu répondre à son courriel, voici ce que j’aurais écrit :
Chère Jenny,
Merci pour ta lettre. J’adore le fait que tu penses à ton futur et au genre de travail que tu envisages. Si tu y mets du tien, je suis convaincue que tu deviendras très bonne en programmation ou à ce que tu choisiras de faire dans la vie.
Tu peux penser que courir n’est pas si important pour programmer, mais ce n’est pas tout à fait exact. Bouger ton corps est aussi important que bouger ton esprit. Et être actif t’aidera à mieux penser et à te sentir mieux. C’est prouvé scientifiquement!
Tu n’es peut-être pas la meilleure en course à pied. Ce n’est pas un problème. De la même façon que tu as appris à lire et à écrire, tu peux apprendre à mieux courir. Ou peut-être n’aimes-tu pas courir. C’est correct aussi. Ce n’est pas trop mon truc non plus. Mais j’aime jouer au badminton et on court au badminton.
Parle à ton professeur d’éducation physique, et pense à essayer un sport comme le soccer ou le baseball qui te fera courir un peu. Au début tu ne seras pas très bonne, mais avec un peu d’entrainement et de l’aide de la part de ton professeur et de tes coéquipiers, tu t’amélioreras!
Bouger son corps peut être très amusant. Beaucoup de nos programmeurs pratiquent des activités différentes telles que l’escalade, le vélo, ou l’Ultimate. Et bien que la plupart d’entre eux pensent qu’ils sont meilleurs programmeurs qu’athlètes, ça ne les empêche pas de faire les deux — et tu pourrais faire pareil!
Je te souhaite bonne chance.