Agir: l’entraineur en tant que modèle
Richard Monette et Jim Grove entraînent respectivement une équipe novice de hockey mineur et une équipe de soccer féminine en dessous de 14 ans. Actif pour la vie a enregistré une partie de leur récente conversation portant sur l’influence des entraîneurs sur le comportement des enfants.
RM : Deux fois par semaine, je chausse mes anciens patins, attrape mon bâton, mets ma tuque et emmène une équipe d’enfants enthousiastes âgés de 8 ans sur la glace. La fin de semaine, je passe derrière le banc, ouvre la grille et je fais semblant d’être Scotty Bowman.
C’est très amusant. Les enfants sont enthousiastes et adorent jouer, ils travaillent donc fort à chaque exercice. Ils se sont subséquemment beaucoup améliorés pendant la saison et ont même remporté la ligue finale. Cela a été un bel exploit pour notre petite association de hockey mineur.
JG : L’histoire est assez semblable avec mon équipe de soccer féminine. Nous en avons gagné, en avons perdu et avons aussi fait match nul durant la saison régulière, mais nous nous sommes essentiellement amusés pendant les entrainements et les matches. Elles se sont entraînées dur parce que c’était amusant et elles se sont énormément améliorées. Elles ont causé toute une surprise en remportant la victoire contre l’une de nos principales adversaires en demi-finales de la coupe à la fin de la saison.
RM : J’étais aussi content parce que nous étions l’équipe la moins pénalisée de notre ligue. En fait, nous avions moitié moins de temps de minutes de pénalité que la seconde équipe la moins pénalisée. Quelques-unes de ces joueuses de 8 ans ont vraiment du mordant. Parfois cela frise la violence.
JG : J’ai vu la même chose chez les garçons et les filles au soccer au fil des ans. Cette saison ça a été beaucoup mieux, mais il y a eu des années où les joueurs étaient visiblement encouragés ou du moins pratiquement pas sanctionnés pour des violences faites à l’encontre de leurs adversaires.
RM : La modélisation par les entraineurs en est une des principales raisons. J’ai lu un bon commentaire sur un blogue sur le sujet publié par les chercheurs de l’Université de l’Alberta. Ils ont constaté que les entraineurs ont une incidence énorme sur « les agressions sur la glace quantifiées en minutes de pénalités ».
La lecture de cette étude m’a incité à aller chercher les statistiques des ligues novices, et j’ai trouvé les mêmes corrélations : les équipes les plus pénalisées étaient celles dont les entraineurs criaient haut et fort du banc de touche de façon agressive.
JG : Lorsque nous avons remporté la victoire à la fin de la saison contre nos grandes rivales, j’ai vu quelque chose de similaire qui a retenu toute mon attention. Leurs filles sanglotaient et pleuraient sans pouvoir s’arrêter après le match. Elles étaient totalement désespérées. Nous étions mal à l’aise de leur serrer la main. Je me suis tout de suite demandé comment un groupe de filles âgées de 13 ans pouvaient à ce point s’emporter.
Puis, j’ai regardé en direction des entraineurs et des parents. Ils avaient tous l’air très sérieux, découragé, même en colère. Je n’aimerais pas être dans la même voiture que ces gens-là pour rentrer. Cela m’indique que les filles subissent beaucoup de pressions externes de la part des adultes, surtout des entraîneurs.
J’ai mesuré la réaction de mes filles qui ont perdu en quarts de finale l’année passée, contre une équipe qu’elles avaient battue toute la saison. Elles étaient loin de pleurer. Elles ont un peu froncé les sourcils et étaient indubitablement déçues par le résultat, mais ça n’a pas duré plus de 15 minutes. Puis, l’une d’elles a lancé, « qui a envie d’une crème glacée? » J’ai trouvé ça génial, même si j’étais déçu par la perte du match.
RM : Je pense que cela reflète le comportement des enfants sur la culture que l’entraineur a établi dans l’équipe. Nous avons par exemple créé « le Bear Code »pour préciser nos valeurs d’équipe. Chaque joueuse en a reçu une copie. Nous en avons aussi imprimé une version large que chaque enfant a signée pour certifier qu’elle se pliera au code. Cette version est affichée au mur du vestiaire avant chaque match.
Je pense que notre succès est dû au fait que toutes les joueuses ont respecté le code durant toute la saison. Ce qui a été encore plus gratifiant c’est que l’un des enseignants de notre école a qualifié nos joueuses de hockey de respectueuses, utiles et encourageantes pour les autres étudiants.
JG : Vous dites que vous pensez avoir gagné à cause de la culture de l’équipe ?
RM : Absolument. Gagner a été génial, mais ce qui a été le plus gratifiant, c’est comment l’équipe a gagné.
JG : Je sais exactement ce que vous voulez dire. J’entraine une équipe « sélect » dont le but est de gagner des parties. Mais je suis aussi très conscient du fait que ces filles sont toujours des enfants, et que leur principale motivation est toujours de s’amuser et être ensemble. Une partie de mon boulot consiste à encourager cela et à établir une culture positive, telle que vous la décrivez.
D’un point de vue pratique d’entraineur, je suis très conscient qu’elles sont toujours en train de se développer en tant que joueuses, que je ne dois pas m’attendre à ce qu’elles livrent des performances de sommet de carrière et qu’elles gagnent chaque match à l’âge de 13 ans. À mon avis, c’est idiot et peu réaliste.
Et dans le cas de votre équipe de hockey, je suis certain que votre attitude envers leur ligne de jeu a fait une énorme différence. Il semble assez évident que vous avez mis l’accent sur les aptitudes à devenir meilleur plutôt que d’être des voyous.
RM : J’aime à penser que c’est le cas. Et j’aime à croire qu’elles seront de meilleures joueuses à long terme aussi.