Five children sit on a classroom windowsill, each one using a smartphone.

La génération anxieuse : Il est temps de protéger les enfants contre les médias sociaux

Dans son livre à succès « The Anxious Generation », le psychologue Jonathan Haidt analyse le déclin de la santé mentale des adolescents au cours des dernières décennies. Il se penche sur l’enfance des adolescents, et plus particulièrement sur l’effet des médias sociaux, afin de mieux les comprendre.   

Selon Haidt, les enfants des débuts des années 2010 étaient les « canaris dans la mine de charbon » de l’ère numérique. Il soutient que l’enfance a rapidement et profondément changé à l’ère numérique. Ce résumé d’une page (en anglais) explique comment il y parvient

Un fait demeure : en 2024, tous les parents sont confrontés à la question de savoir COMMENT aider leurs enfants à gérer le « monde des médias sociaux ».  

Voici trois points clés à retenir et une liste de solutions potentielles pour aider à remédier à la « génération anxieuse ».

Fait n° 1 : le jeu libre est essentiel au développement optimal des enfants

On oublie souvent que les enfants doivent jouer pour être en bonne santé sur le plan physique, mais aussi sur le plan cognitif, émotionnel et social. Comme le souligne Haidt, « tous les mammifères ont besoin de jeux libres, et en grande quantité, pour développer leur cerveau pendant l’enfance et les préparer à l’âge adulte ». Le jeu libre actif est non seulement « amusant » dans la petite enfance, mais c’est aussi la façon dont les enfants bâtissent leur cerveau

Et les bienfaits ne s’arrêtent pas là. Le jeu actif favorise une plus grande activité physique et renforce les compétences nécessaires à la réussite scolaire et à la vie, telles que l’attention, l’autorégulation et les fonctions exécutives. Comme le savait ma mère lorsqu’elle me disait « va jouer dehors », les enfants qui bougent tous les jours ont tendance à être plus calmes, à mieux manger et à mieux dormir. 

Fait n° 2 : Une enfance centrée sur le jeu est en train de décliner

Haidt explique qu’au début des années 80, une nouvelle tendance est apparue. Les parents ont cessé de laisser les enfants courir et jouer en plein air avec d’autres enfants pour les protéger de tous les risques, qu’ils soient réels ou imaginaires. Les sorties supervisées et organisées sont devenues la nouvelle norme.  

En supprimant les risques, les parents et les responsables d’enfants ont supprimé la partie la plus essentielle de l’enfance. « La disparition du jeu libre et la présence de plus en plus fréquente d’adultes ont privé les enfants de ce dont ils avaient le plus besoin pour surmonter les peurs et les angoisses normales de l’enfance : la possibilité d’explorer, de tester et de repousser leurs limites, de nouer des amitiés à travers des aventures communes et d’apprendre à juger les risques par eux-mêmes », écrit Haidt.

Cette tendance à « protéger les enfants à tout prix » persiste, mais certains signes indiquent que notre société commence à reconnaître la nécessité de permettre aux enfants de jouer librement et de les encourager à le faire. La récente prise de position de la Société canadienne de pédiatrie, selon laquelle « le jeu non structuré, en particulier le jeu risqué à l’extérieur, joue un rôle crucial dans le développement physique, mental et social des enfants. » est un signe que la tendance est peut-être en train de se retourner. 

Il est toujours prudent de suivre les conseils d’un médecin.

A group of four kids stands outside, each wearing a backpack and using a smartphone.

Fait n° 3 : Une enfance sur téléphone intelligent en pleine croissance

Rien de nouveau sur ce point. Depuis le début des années 2000, les téléphones intelligents ont gagné en popularité. Le problème est que ce qui nous attire, c’est ce qui nous rend dépendants. Les jeunes utilisent leurs appareils principalement pour accéder aux plateformes de réseaux sociaux et rarement pour passer des appels téléphoniques. Et le problème, c’est que ces plateformes de réseaux sociaux sont conçues pour créer une dépendance. 

Ceux qui travaillent dans le secteur de la technologie sont conscients du problème depuis un certain temps. Pour citer cet article de 2018, « Tim Cook, le PDG d’Apple, ainsi que Bill et Mélinda Gates ont imposé des restrictions d’âge à leurs neveux et à leurs propres enfants sur l’utilisation d’appareils portables comme les téléphones intelligents. De même, Steve Jobs interdisait à ses jeunes enfants d’utiliser des iPads, son invention. »

Les parents sont souvent conscients du problème, mais ne savent pas comment l’aborder. Pourtant, des actions positives ont été prises sur ce point. Par exemple, quatre conseils scolaires de l’Ontario poursuivent en justice les principales plateformes de réseaux sociaux. Ils déclarent « qu’en raison de l’utilisation prolifique et compulsive des médias sociaux, tels qu’Instagram, Snapchat et TikTok, les élèves traversent actuellement une crise d’attention, d’apprentissage et de santé mentale ».

Haidt conclut que cette évolution d’une enfance où le jeu est privilégié à une enfance sur téléphone intelligent — ce qu’il appelle un « grand recâblage de l’enfance » — a entraîné une augmentation des troubles de l’anxiété et de la dépression chez les adolescents.

Haidt explique qu’en ce qui concerne les parents, « nous étions peu nombreux à comprendre ce qui se passait dans les mondes virtuels des enfants et nous n’avions pas les connaissances nécessaires pour les protéger des entreprises technologiques qui avaient conçu leurs produits pour qu’ils créent une dépendance. C’est pourquoi nous avons fini par trop protéger les enfants dans le monde réel et pas assez dans le monde virtuel. »

Il est temps de mettre en place des mesures collectives pour une meilleure enfance  

Ce changement dans la nature de l’enfance est inquiétant, voire véritablement effrayant, pour la plupart des parents. Il est significatif que peu de solutions soient proposées. Heureusement, Haidt propose quelques actions qui pourraient contribuer à réduire les types d’anxiété que nous observons chez les enfants et les adolescents. Ce qui suit est un extrait de l’excellent résumé (en anglais) d’une page du livre de Haidt :

« En tant que parent de deux adolescents, je me suis efforcé d’offrir des conseils utiles et non évidents aux autres parents. Mes suggestions les plus importantes sont les suivantes :

  • Laisser aux enfants beaucoup plus de temps pour jouer avec d’autres enfants. Ce jeu devrait idéalement se dérouler à l’extérieur, dans des groupes d’âge mixtes, avec peu ou pas de surveillance adulte (c’est comme cela que la plupart des parents ont grandi, du moins jusqu’aux années 1980).
  • Trouver d’autres moyens de faire participer les enfants à des communautés solides dans le monde réel. Les réseaux en ligne sont loin d’être aussi engageants ou enrichissants.
  • Ne pas offrir un appareil intelligent comme premier téléphone. Choisissez un téléphone ou une montre spécialisé dans la communication, et non dans les applications en ligne.
  • Ne pas donner de téléphone avant le secondaire. C’est facile à faire si de nombreux parents des amis de votre enfant font la même chose.
  • Ne pas ouvrir de comptes sur la plupart des plateformes de réseaux sociaux avant le début de l’école secondaire (au moins). Cela deviendra plus facile à faire si nous pouvons soutenir les législateurs qui tentent de faire passer l’âge légal d’accès à l’internet de 13 ans (sans vérification) à 16 ans (avec vérification obligatoire de l’âge).

Ensemble, une meilleure solution

Dans ses recommandations, Haidt précise que si les parents agissent ensemble, nous avons une bonne chance de remédier à la situation d’une génération d’enfants anxieux. Il souligne également l’importance pour les législateurs de mettre en place des lois pour protéger les enfants. 

La lutte contre le tabagisme (article en anglais) nous a appris que la protection des enfants contre un produit addictif leur étant vendu prend du temps. Beaucoup de temps. Nous ne pouvons pas retarder la prise d’une mesure contre cette nouvelle menace pour la santé des enfants au Canada et dans le monde entier.


En savoir plus sur l’anxiété et le temps passé devant un écran :

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