A group of young girls take part in a ballet class, led by their instructor.

Voici pourquoi j’ai retardé la spécialisation sportive de mes enfants

« Est-ce que je peux suivre des cours de danse, s’il-te-plaaaît? », me suppliait ma fille de neuf ans. Ses meilleures amies pratiquaient la danse dans un studio local depuis des années, et elle aurait tant voulu se joindre à elles. Jusqu’à ce moment-là, j’avais été imperméable à ses supplications. Je n’avais rien contre la danse. Ma fille avait suivi des cours de danse récréative de temps à autre au fil des années, et l’expérience avait été agréable. Ce que j’avais voulu éviter, c’était de lui permettre de s’entraîner intensivement en danse. J’hésitais à laisser mes jeunes enfants se spécialiser dans un sport. Et je sais maintenant que mon intuition était bonne. 

Même si la spécialisation sportive précoce est de plus en plus commune, les chercheurs et les experts mettent en garde les parents de jeunes enfants, et les raisons invoquées pourraient vous surprendre. 

Voici les raisons pour lesquelles j’ai retardé la spécialisation sportive de mes enfants, et les dernières recommandations à suivre pour favoriser la pratique saine et durable de l’activité physique et sportive.

Une brève définition : La spécialisation sportive précoce désigne la pratique intensive d’un sport (et l’exclusion des autres sports) à un jeune âge.

Les raisons pour lesquelles j’ai retardé la spécialisation sportive de mes enfants

Revenons à ma fille et à son désir de danser. Un entraînement intensif en danse oblige souvent l’enfant (de 10 ans et moins) à s’exercer huit heures par semaine, voire plus. Et il n’y a pas que la danse qui requiert un tel engagement. En gymnastique, certains programmes recommandent aux enfants de s’entraîner jusqu’à 20 heures par semaine! Bien sûr, tout dépend du sport, de l’entraîneur, du studio ou du club, etc. Il n’en demeure pas moins que de plus en plus de sports poussent les enfants à s’entraîner plus intensément et plus souvent à un plus jeune âge. 

J’en ai été témoin avec mes enfants au fil des ans. Peu après leur inscription à un club de ski, il a été question d’entraînements supplémentaires, de courses et de déplacement pour des compétitions. Une situation similaire s’est produite quand mes enfants ont rallié une équipe d’escalade récréative. Dans presque tous les sports que mes enfants ont essayés, le personnel d’entraînement encourageait la spécialisation. Or, malgré la pression de faire comme les autres, j’ai pris mon courage de maman ours à deux mains et j’ai dit poliment « non, merci » à la spécialisation sportive précoce. Voici pourquoi.

La spécialisation sportive demande BEAUCOUP de temps

Peu importe le sport, la spécialisation requiert un investissement de temps considérable. Il faut s’entraîner des heures et des heures chaque semaine pour exceller dans un sport, surtout si on compétitionne au niveau provincial, national ou international. Ce genre d’engagement a une incidence non seulement sur l’enfant, mais sur toute la famille. C’était cet investissement en temps chaque semaine qui a constitué ma première raison de m’opposer à la spécialisation sportive précoce. Je savais qu’il ne concorderait pas avec le mode de vie et les priorités de ma famille. Nous aimons partir en expédition et bouger ensemble! Par ailleurs, ces heures d’entraînement intensif priveraient mes enfants d’occasions de jeu libre dirigé par l’enfant, lesquelles, selon l’organisme Le sport c’est pour la vie [PDF], devraient être la priorité de la naissance à neuf ans. 

A girl hula hoops outside with a smile on her face.

La spécialisation sportive peut être très coûteuse

Je suis prête à investir de l’argent dans des activités qui auront un effet bénéfique sur mes enfants, mais la spécialisation sportive peut être très coûteuse : on parle de milliers de dollars chaque année. J’ai calculé le coût de la spécialisation sportive, et j’ai évalué en quoi ce montant pourrait faire bouger toute la famille (p. ex., laissez-passer familial à la piscine, ou à la station de ski). Le choix était évident.

La spécialisation précoce augmente les risques de blessure

Il a été démontré que l’entraînement intensif dans un sport augmentait le risque de blessure chez les enfants. Selon les experts, cela s’explique par le fait que certaines habiletés motrices fondamentales ne sont pas correctement acquises. Autrement dit, la spécialisation sportive précoce crée un déséquilibre physique qui augmente le risque de blessure. Elle favorise aussi les blessures de surentraînement, puisque les enfants font toujours les mêmes mouvements. Pour que les enfants consolident leurs habiletés motrices, Le sport c’est pour la vie [PDF] recommande que de l’âge de six à neuf ans, on les incite à s’amuser grâce au sport. Les activités prévues, par exemple la course, le saut, le lancer et la nage, devraient permettre de développer les piliers de la littératie physique (agilité, équilibre, coordination et vitesse), tout en mettant l’accent sur le plaisir! Si toutefois votre enfant tient à pratiquer sérieusement un sport, voici quelques principes pour prévenir les blessures.

La spécialisation précoce peut nuire à la santé mentale

L’entraînement intensif dans un sport pendant l’enfance peut donner lieu à un épuisement émotionnel, au surmenage, à du stress, à de l’anxiété, à une dépression, et à l’abandon du sport en question. (Voici quelques signes d’éventuels problèmes de santé mentale chez l’enfant.) Outre l’incidence sur la santé mentale, quand un enfant s’entraîne intensément, il a moins d’occasions d’être simplement un enfant! Le temps qu’il consacre à jouer et à passer du temps avec ses amis est en effet très important pour son développement.

La spécialisation sportive précoce n’est pas nécessaire pour devenir un athlète d’élite

Les parents poussent souvent leur enfant à se spécialiser tôt dans un sport pour lui donner toutes les chances de succès, surtout s’il veut devenir athlète d’élite. Ils seront toutefois surpris d’apprendre que, selon les chercheurs, l’entraînement intensif avant la puberté n’est pas nécessaire, ni même recommandé, pour devenir un athlète d’élite. En fait, c’est l’opposé qui est vrai. Je le constate avec mon aîné. À 13 ans, il a découvert l’haltérophilie. Il avait auparavant pratiqué un éventail de sports, sans se spécialiser de manière intensive. Pourtant, même si l’haltérophilie était une discipline entièrement nouvelle pour lui, il compétitionnait à l’échelle nationale dès 15 ans.

A teenage boy bench presses with a barbell at the gym as an instructor stands over him and spots him.

La spécialisation précoce peut entraîner un mauvais choix de sport 

Ce sont habituellement les parents qui choisissent le sport que leurs enfants pratiqueront, surtout dans le cas d’une spécialisation. Or, en général, le parent ne choisit pas le meilleur sport pour son enfant. L’enfant doit grandir et faire l’expérience de divers sports pour comprendre celui qui lui convient le mieux. J’ai vu mes enfants faire cet apprentissage. Pour apprendre à bien choisir des sports pour votre enfant, lisez cet article (en anglais).

Favoriser la pratique saine et durable d’un sport

De plus en plus de chercheurs et d’organismes sportifs insistent sur les risques de la spécialisation sportive précoce, notamment parce qu’elle ne garantit pas la pratique saine et durable du sport. Cela dit, les enfants doivent bouger pour grandir heureux et en santé! Selon les directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures, les enfants de 5 à 17 ans doivent faire au moins 60 minutes par jour d’activité physique d’intensité moyenne à élevée, soit une variété d’activités aérobiques et d’activités pour renforcer les os. Alors, quelle est la meilleure manière d’encadrer nos enfants?

Adopter une approche multisports

Le sport c’est pour la vie [PDF] recommande l’adoption d’une approche multisports jusqu’à la puberté. L’approche multisports (en anglais) veut qu’on donne aux enfants la possibilité de faire l’essai de divers sports et activités physiques pendant leur enfance. Pour mes enfants (qui sont maintenant ados), cela prenait la forme de cours de natation l’été, de randonnées en famille, de balades à vélo entre amis, de quelques parties sur le court de tennis, de ski de fond au centre local et de sports récréatifs saisonniers, comme le soccer. Cette approche est agréable, parce que les enfants peuvent faire l’essai de différents sports. Ils sont également appelés à consolider leurs habiletés motrices fondamentales et leur littératie physique.

Encourager le jeu libre

Les enfants doivent avoir beaucoup d’occasions de jeu libre, surtout à l’extérieur. Selon Le sport c’est pour la vie [PDF], jusqu’à l’âge de six ans, les enfants devraient consacrer 75 % de leur activité physique au jeu libre, et les enfants de six à neuf ans, 50 %. C’est beaucoup! Le jeu libre n’a pas à être compliqué, mais il doit être intentionnel. Pour prévoir du temps pour le jeu libre sans négliger le sport et les autres activités, consultez : L’importance du jeu libre (et de l’ennui).

Trouver le bon programme

Votre enfant peut assurément pratiquer des sports comme la gymnastique, la danse, le soccer ou le hockey sans se spécialiser trop tôt. Au moment d’inscrire votre enfant à une activité, sachez reconnaître un programme de qualité; n’hésitez pas à poser des questions à l’entraîneur et à vérifier si le programme intègre divers mouvements et activités qui aideront votre enfant à développer sa littératie physique. Je vous suggère également de prendre le temps de lire cette excellente ressource [PDF] de Le sport c’est pour la vie, et de prendre connaissance des trois premiers stades qui visent à jeter une base solide pour le sport et l’activité physique (page 23).

En savoir plus sur l’approche multisports

Les bienfaits d’une approche multisports pour les jeunes enfants sont éprouvés, mais plusieurs autres études sont en cours. Si vous voulez en savoir plus ou si vous avez des questions sur la spécialisation sportive précoce et l’approche multisports, je vous recommande de lire cet essai, Perspectives actuelles sur la pratique multisports

Et pour les curieux : oui, ma fille a bien commencé un entraînement intensif en danse. À 12 ans, elle s’est inscrite au studio local et a commencé à danser cinq heures par semaine. Au début, elle sentait qu’elle tirait de la patte, mais à la fin de sa première année, la professeure était impressionnée par son sérieux et l’évolution rapide de ses habiletés. J’attribue cette réussite aux bases solides que ma fille a acquises grâce à l’approche multisports et au fait que nous avons attendu qu’elle soit prête physiquement et mentalement avant de lui permettre de s’investir plus intensément. 


Pour en savoir plus sur le sport à l’enfance :

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